Deviations préférées de la semaine : [KIKY]

Il y a moi et cette demi sphère autour
Qui constitue pour ce moi cet univers propre
Qui se déploie avec lui comme un gyroscope.
Plus loin, c'est le reste, l'ailleurs, les alentours.

Il y a moi et ceux évoluant dans ma sphère :
D'abord ceux qui sont proches, celles qui sont chères
Et puis tous ces autres qu je croise un moment.
Même les proches sont autres malgré l'attachement.

Tournoiement autour du moi qui est solitaire
Et dont tout s'éloigne de lui, même son corps.
Si le cerveau semble central et en accord,
Les membres, eux, semblent déjà moins solidaires.

Introspection et dédoublement de ce moi,
Parfois ces autres nous causant un grand émoi.
Plan arrière en contre-plongée panoramique :
Tous ces moi, ces autres, en un' danse cosmique.

Je suis com' tous, moi et autre tout à la fois,
Et pour et envers moi, et pour et envers l'autre,
Je suis ce que je pense, ce que je perçois.
Je suis devant et dans ce miroir qui est vôtre.

Ne somm' nous pas tous ces Alice des Merveilles
Qui seraient perdues dans le pays des miroirs
Où les autres ne sont que des reflets à voir
De sa propre image, d'une lueur qui veille.

De l'autre, nous sommes paradis ou enfer,
Mais, le plus souvent, un entre-deux dans le verre.
Presque toujours, nous appliquons, rougi, le fer
Dans les entrailles pourries de notre misère.

L'autre devient ce sentier de confrontation
Où nous nourrissons les pires aberrations.
Nous reconstruisons le moi en château de sable
Que les griffes des corbeaux aussitôt accablent.

La marée suivante monte et efface tout,
Ne laissant que notre page blanche et si sale,
Avec, tout au milieu, sanglante et transversale,
La déchirure s'ouvrant en un grand fourre-tout.

Un grand frisson finit de dévorer nos âmes
Dans ce miroir sombre où nous sommes prisonniers.
De nos restes carbonisés l'ultime flamme
Que quelque dieu attise de son tisonnier.

N'aurons-nous donc étés l'autre que de nous-mêmes,
Emmêlant le réel et le superficiel?
Monde où nous ne sommes qu'un autre dilemme,
Lieu où nous ne sommes qu'un produit matriciel.

Notre temps fuit; car le sablier est percé :
L'éternité n'en sera que beaucoup plus longue.
Égratignant le verre trempée de nos ongles,
Ne sommes-nous donc plus que cet autre angoissé?

Le temps gicle en spasmes de ce nous jusqu'à vous
Y engluant épais votre précarité.
De longs filaments de cette fragilité
Nous relient l'un à l'autre de leur rendez-vous.

Le moi ne peux plus se définir par lui-même.
Là, il y a toujours moi, mais il y a vous aussi.
Le moi se relève, glisse et tombe assis,
Se lève pour pleurer sur votre épaule même.

Le moi ne serait-il que ce que l'autre crée?
Il n'existerait alors que dans l'autre ancré :
Une symbiose nécessaire, inconditionnelle,
Une existence éphémère et irrationnelle.

Il y a moi et cette demi sphère autour
Qui constitue pour ce moi cet univers propre
Qui se déploie avec lui comme un gyroscope.
Plus loin, c'est le reste, l'ailleurs, les alentours.

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