Le directeur de l'Ecole nationale des
beaux-arts de Paris, Henri-Claude Cousseau, n'en revient toujours pas.
Six ans après avoir présenté l'exposition « Présumés innocents » au
CAPC de Bordeaux, dont il était le directeur, il est mis en examen sur
base de deux articles du code pénal français. L'un concerne la
pornographie mettant en scène un mineur, l'autre la diffusion de
messages à caractère violent ou pornographique,susceptibles « d'être vus ou perçus par un mineur ».
Cette mise en examen fait suite à une plainte déposée par l'association
La Mouette, qui oeuvre dans le domaine de la protection de l'enfance.
« Il n'y a eu aucun problème à l'époque, et la plainte est intervenue à quelques jours de la clôture de l'exposition, explique-t-on aujourd'hui au service de presse de la Ville de Bordeaux. Elle
émanait d'une association, mais ne comportait que deux ou trois
signatures. Des classes entières ont visité l'exposition sans qu'il y
ait eu de problèmes ou de plaintes. Bien sûr, ces classes étaient
extrêmement encadrées, par un service éducatif très performant. Les
enfants n'étaient pas en contact avec les deux ou trois oeuvres qui
auraient pu poser problème, et des panneaux de mise en garde étaient
installés. »
A première vue, l'affaire paraît grotesque. D'autant plus que
l'exposition - consacrée au rapport entre l'art contemporain et
l'enfance - entendait notamment dénoncer toutes les manipulations
idéologiques dont l'enfance peut être l'objet.
Au vu de l'instruction particulièrement longue et improductive, Henri-Claude Cousseau ne risque guère d'être condamné.
Reste cette impression étrange que, depuis quelques années, la
censure classique a fait place à une censure bien plus médiatique,
orchestrée par divers groupes de pression.
« La période actuelle est propice aux amalgames. On se donne bonne conscience à peu de frais, explique Laurent Busine, directeur du Mac's, le Musée d'art contemporain du Grand-Hornu.
En apparence, nous vivons une époque de libéralisation totale des
moeurs. Il suffit de rentrer dans une librairie pour voir, exposées
sans aucune précaution parfois, des revues pornographiques aux
couvertures sans ambiguïté. On donne donc une image de liberté totale.
Et en même temps, il y a des sursauts qui, généralement, portent sur
une question artistique. Comme si on reprochait à l'artiste d'avoir
traduit dans son oeuvre quelque chose qu'on voulait garder caché, bien
qu'omniprésent. »
Résultat de ces plaintes et de ces procès à répétition : les responsables d'institutions deviennent de plus en plus prudents. « On a vu fleurir, ces dernières années, tout un système de précautions dans les musées et dans les galeries, confirme Laurent Busine. On
met des panneaux d'avertissement, on limite l'accès à certaines
salles... Il y a quelques années, j'ai présenté les superbes photos
d'Andres Serrano sur la morgue. Si je présentais cette exposition
aujourd'hui, je mettrais un avertissement à l'entrée. A l'époque, cela
ne me serait même pas venu à l'idée. »
« Depuis quelque temps, on sent une pression sur les responsables d'institutions, confirme Xavier Canonne, directeur du Musée de la photographie à Charleroi. Nous
avons, par exemple, pris une assurance spéciale pour payer les frais de
justice au cas où le musée serait l'objet d'une plainte. Mais cela ne
vaut que pour l'institution, et chacun reste responsable à titre
personnel. »
A propos de l'affaire bordelaise, Xavier Canonne souligne l'effet pervers de ces plaintes à répétition : « Six
ans après les faits, avec un dossier aussi maigre, l'affaire va tomber
à l'eau, comme bon nombre de plaintes du même genre. Mais chaque fois,
la publicité donnée à ces affaires fait que, consciemment ou non, on
devient plus prudent. On ne peut plus rire de ça, on ne peut plus
montrer ça... Cela peut aboutir à un vrai retour en arrière, l'art
n'étant plus visible que par quelques privilégiés, alors que nous
sommes là pour le faire découvrir à tous. »
Et de conclure : « Ce qui m'inquiète, c'est la pression
systématique. Un jeune conservateur qui commence sa carrière risque de
se montrer plus timoré pour éviter les problèmes. Sans oublier la
censure du pouvoir économique. Aux Etats-Unis, un conservateur a été,
non pas viré, mais prié de partir, parce que les sponsors de
l'institution se retiraient les uns après les autres... »
Source: http://www.lesoir.be/culture/expos/2006/12/06/article_arts_plastiques_en_cause_une.shtml
Voilà je sais que certain d'entre vous était déjà au courant de cette affaire, pour les autres j'espère qu'elle vous fait réagir.La mairie de Bordeaux a, malgrés ses promesses, refusé de venir en aide financièrement à la défense.Actuellement de nombreuses pétitions circulent en France comme à l'étranger, je demande à ceux qui se sentent concerner d'en faire tourner et de me les envoyer par mail, je les rajouterait aux nombreuses autres déjà presentes au CAPC.Pour ceux qui sont sur Bordeaux, l'école des BA va faire circuler des stickers et de nombreuses manifestations sont prévu au CAPC, qui par ailleurs fait son vernissage ce soir.